Je suis née deux fois. Ma seconde naissance a eu lieu à vingt ans, lorsque je suis venue habiter à Kergéraud dans la maison de mes parents. Cette maison n’était pas encore rénovée, j’allais chercher le fuel pour allumer le poêle chez
«les Communal» qui m’avaient embauchée. Je détroquais les huîtres. J’ai aussi travaillé chez «les Josso»
C’est à seize ans que j’ai découvert Pen bé et rencontré mon futur mari, lors des vacances d’été, grâce à mon oncle qui louait la maison Sambot. Lorsqu’il fallait repartir vers Paris, mon cafard était immense. A la gare Montparnasse, j’étouffais. Le bruit, les odeurs urbaines étaient si éloignées de ce que j’avais respiré en Bretagne! Je me disais qu’il faudrait trouver le moyen de mettre l’odeur de l’iode en boîte…
Maintenant que je suis établie ici, pas un jour ne passe sans que je ne savoure la chance de vivre dans un si bel environnement. Être en bord de mer est essentiel pour moi.
Kermalinge m’apporte tout ce que je recherche: la tranquillité, la nature encore sauvage, une source d‘inspiration pour mes peintures, un terrain de jeux pour mon chien.. Le marais est à cinq cent mètres de mon atelier d’artiste situé à Kergéraud. Je le parcours inlassablement et le photographie en toutes saisons.
Je photogaphie et peins aussi les fleurs du jardin de ma maison à Brésilbérin. De chez moi, je vois les marais salants de Pont d’Armes. J’y emporte mes pinceaux et m’y installe en été. Cet endroit symbolise le silence, seulement troublé par les oiseaux. La palette des couleurs est magnifique : le blanc des meulons, le rouge des salicornes, le roux des herbes du marais, à l’heure du soleil couchant, le gris ou le bleude l’eau et du ciel avec les oiseaux qui volent et s’entrelacent, l’ocredu sable, le vert des arbres… Je couche toutes ces impressions dans mes carnets de balades et mes aquarelles.
Je suis très sensible aux bruits de la nature. J’entends et j’écoute les oiseaux du bord de mer et ceux du marais, les ragondins dont le cri fait penser à un enfant qui pleure, les renards qui glapissent… J’ai été, à une période de ma vie, privée d’odorat. La première odeur qui est revenue, c’est celle de l’herbe coupée. Je l’ai déjà dit, j’aime avant tout l’odeur de l’iode qui monte des marais salants jusqu’à ma maison. J’aime aussi quand Aude, la paludière, me laisse goûter un grain de sel fraîchement récolté, pendant que je peins.
Ce bonheur de pouvoir vivre toutes ces sentations, je le dédie à mon oncle qui m’a fait découvrir cette région. Il a chamboulé ma vie. C’était un personnage, mon oncle Jean! Il était pilote d’avion et m’a fait survoler la Presqu’île dans son engin qu’il n’hésitait pas à faire voler très bas, très très bas même quelquefois ! L’été,il survolait Mesquer et la baie de Pen Bé, en « battant des ailes ». C’était sa façon de signifier à sa femme qu’elle devait venir le chercher à l’aéroport de Gron.
En conclusion, je dirais que si Assérac était une chanson, ce serait la chanson de Jean- Michel Caradec : « Qu’elle est belle ma Bretagne quand il pleut. »
Si Assérac est en Bretagne assurément, il n’y pleut pas tant que ça !