Témoignage recueilli le samedi 15 février 2025

Je m’appelle Maryvonne Imbault, née Vrignon le 8 juin 1940, à Nantes, la même année, le même jour de que Josy Baudry, qui vient me visiter régulièrement. Nous avons donc 85 ans. Malheureusement, je souffre d’une DMLA qui rétrécit très fortement mon champ visuel et m’empêche de conduire. J’ai grandi à Nantes, me suis mariée en 1965. Mon mari, officier de marine, avait 17 ans de plus que moi.
Quelques jours seulement après les noces, je l’ai suivi en Algérie dans la ville d’Arzew, à une trentaine de kilomètres d’Oran. Pendant trois mois, nous avons vécu à bord du bateau sur lequel mon époux était affecté. J’étais la seule femme à bord. Par la suite, nous avons loué un appartement en ville. Nous sommes restés trois ans en Algérie. Mais durant cette période, j’ai traversé douze fois la Méditerranée pour venir m’occuper de mon père lorsque ma mère était en cure. En tant qu’épouse d’officier de marine, je bénéficiais des voyages gratuitement sur un cargo.
Là encore, à chaque traversée, j’étais la seule femme, l’équipage comptant cinq, six hommes. Un soir, la conversation portant sur la Bretagne, je dis que je connaissais très bien cette région. L’un des hommes d’équipage me dit adorer les crêpes…. Alors, en pleine nuit, j’ai fait des crêpes. Belle surprise pour l’équipage !
Mon mari a participé au débarquement sur les côtes normandes le 6 juin 1944, à Port-en-Bessin. Il a eu de nombreuses décorations.
Le 8 mai 2024, le président de l’UNC, Pierre Renard a remis un insigne à trois veuves d’anciens combattants : Yvette Plaud, Suzanne Thobie et moi-même.
Avant de prendre sa retraite, mon époux a travaillé à Nantes pour les chantiers de l’Atlantique. Il a ainsi suivi la construction du Pont de la Roche Bernard. Il avait fait l’école d’hydrographie dans sa jeunesse .
Il est décédé en 2002. Je peux dire que j’ai eu un mari extraordinaire, avec lequel je ne me suis jamais disputée, ou alors sur des sujets vraiment bénins, comme sa façon de s’habiller, un peu trop décontractée parfois, à mon goût, dans certaines circonstances…
Alors maintenant, je vais vous dire comment mon histoire est liée à Assérac.
Mon père, dans sa jeunesse, venait chasser le canard à la pointe du rocher noir. Ayant fait connaissance de ma mère à Nantes, il l’a emmenée, pour leur première sortie, à Pen Bé.
Des années plus tard, pour les vacances, mes parents louaient une maison, chemin de Carabi.

Un jour, en allant chercher le lait chez les Chaffiraud, qui vivaient dans le logis du XVI ème siècle dont on pense qu’il appartenu à l’ordre des templiers, M. Chaffiraud lui dit : « Mon patron vend vingt-sept hectares de terre, sur Pen Bé. »,
Ces terres allaient de l’actuelle Ferme Marine, et jusqu’à la marche aux Bœufs. »
Très intéressé, mon père se rendit très vite chez Maître Guilbaud, notaire à Nantes, qui lui prêta l’argent pour acheter le bien. C’était en 1949, j’avais donc neuf ans. C’est ainsi que mes parents sont devenus propriétaires de ce grand domaine.
Lorsque, longtemps après, mon père a revendu les terrains sur lesquels le lotissement de La Fontaine Maria a été construit, il restait trois hectares dont j’ai hérité. Une réflexion de ma petite fille de quatorze ans m’a décidé à les garder. Elle m’a dit « Mamie, pourquoi tu veux vendre Pen Bé ? Tous nos souvenirs d’enfance et les tiens vont partir ! Il ne restera que les souvenirs de Vendée ! »
En effet, nous avions également quatre fermes dans cette région sud Loire, à Saint-Etienne du Bois.
Le projet de gîtes est né après le décès de mon père. Ma mère a souhaité vendre la ferme de Pen Bé, car une personne avait manifesté le désir de l’acheter, mais j’ai refusé cette vente.
Je me suis donc lancée dans la rénovation des bâtiments classés et entrepris la construction de gîtes.
Pendant les travaux, j’ai vécu dans la ferme, si froide l’hiver ! Je me souviens des températures de trois degrés seulement. Je n’avais que le feu de cheminée pour me chauffer.
Entre 2001 et 2002, j’ai enfin pu emménager dans la maison que j’occupe aujourd’hui.
J’avais fait appel à Michel Berthe, le maçon qui vient de nous quitter tout récemment. La grande pièce de ma maison a un chauffage au plafond, ce qui est plutôt rare.
Puis, je me suis consacrée à la gestion des locations. Ce fut une activité à plein temps que j’ai exercée jusqu’ à mes 82 ans. Maintenant, ce sont ma fille Gwenaelle, et ma belle-fille, Valérie, qui tiennent les rênes des gîtes.
Avant tout cela, à Nantes, j‘ai été employée chez un dentiste et enquêtrice pour des instituts de sondage.
Je me souviens de la navigatrice Florence Artaud, qui est venue passer quelques jours chez moi.
Elle a beaucoup apprécié mon gîte et m’a félicitée pour mon travail de rénovation.
Durant ma longue vie à Pen Bé, j’ai pu côtoyer de nombreuses personnes dont certaines m’ont marquée. Je pense à Michel Freitel, qui était mon voisin, grand aventurier et écrivain. Je pense à l’écrivain Frank Mallet, que l’on peut croiser régulièrement sur le sentier côtier, toujours coiffé de sa casquette rouge.
Mon père a connu le père du maire actuel, Joseph David, qui était forgeron et maréchal ferrant. J’ai retrouvé un jour, dans mon jardin, un outil marqué du nom du forgeron, je l’ai montré à Joseph mais je l’ai gardé en souvenir .
Je me souviens des travaux pour installer le tout à l’égout il y a à peu près trente ans. Pour éviter de fragiliser les falaises, les conduits sont passés par mes terres pour rejoindre les maisons de la côte. J’invitais les ouvriers une fois par semaine. Ils apportaient leur repas et je faisais des choux à la crème pour le dessert, ce qui était fort apprécié.
Je voudrais aussi parler d’Etienne Daho, le chanteur, qui a un lien fort avec Pen Bé.
Un jour, un ami de ma fille Catherine, qui roulait en voiture, écoutait la radio. Étienne Daho était interviewé et parlait de Pen Bé. Il disait avoir découvert un petit coin de paradis, dont il avait photographié l’arbre sur la falaise, afin d’illustrer le carnet de son dernier CD.
Catherine m’a rapporté ces paroles et le jour même , je suis allée acheter le CD « Eden ».
Cet arbre, je l’appelais « l’arbre qui tient toutes les tempêtes ». J’ai parlé de cette anecdote à tous ceux que je rencontrais à l’époque. C’est moi qui l’ai surnommé « l’arbre d’Etienne Daho ». Malheureusement, l’arbre n’est plus là.

Aujourd’hui, ma vie se déroule tranquillement à Pen Bé. Assérac est une petite bourgade que je trouve accueillante. Je fréquente le jeudi le club Accueil et Amitié, quand il y a un moment festif, comme un goûter ou pour la galette des rois. Je ne suis pas joueuse, d’autant plus maintenant que je perds la vue. Je salue la présidente, Madame Mussard, qui prend soin de moi.
Je fais aussi partie de l’association « Veufs et veuves du Morbihan », ce qui me permet de voyager un peu. Le 28 juin prochain, nous partirons pour deux jours en Normandie pour visiter les plages du débarquement.
Si j’aime évoquer le temps passé, je goûte pleinement le présent, entourée par mes proches et mes amis, dans cette baie où j’ai pris mes premiers bains de mer, dans ma maison dont la baie vitrée offre la vue sur le traict de Pen Bé.