Témoignage de Loïc Lebrun, recueilli par Annie Escoute le 16 février 2024,

Je souhaite associer mon épouse Violaine à mon témoignage, car ce qui nous a amenés à Assérac est une histoire indissociable de l’un et de l’autre. Je viens de Lille, Violaine de Dijon. Nous avons trois enfants, Octave, Gabriel et Louise.

Nous habitons rue du Bout de la Bôle, à Quescouis en Assérac, et avons acheté notre maison en 2017 à un paludier. Cette maison date de la fin du dix-neuvième siècle, et était restée « dans son jus ». Nous avons trouvé le lieu idéal pour nous établir et faire vivre notre projet de micro-ferme maraîchère en agriculture biologique. Le choix de la région n’est pas le fruit du hasard. Nous connaissions déjà la presqu’île guérandaise, car mes parents ont une maison à La Turballe. Nous n’avons pas cherché très longtemps le lieu de notre future installation. Le terrain et la maison, exposés plein sud, dans un environnement remarquable, nous ont plu immédiatement. En effet, Assérac est un lieu préservé.

Nous vivons là de façon permanente depuis 2021. Arrivant depuis Saint-Molf, la vue qui s’offre sur les marais de Pont d’Armes est magnifique : il y a le moulin, le jaune doré des roseaux secs, les oiseaux posés dans les vasières… Je considère ce site comme l’un des plus beaux de la Presqu’île guérandaise.

Assérac, c’est bien sûr surtout notre Ferme et ses alentours, où vivent les saules de Brière, absents des paysages dans la région où nous étions auparavant. Mais nous profitons aussi de la plage de Pen Bé, de son odeur iodée qui était au départ « l’odeur d’Assérac ». Aujourd’hui, j’associerais davantage notre petite commune à la bonne odeur de vase qui nous accompagne dans notre travail de maraîchage.

En avril 2024, la Ferme des Salines entamera sa troisième saison.

Violaine et moi ne sommes pas issus du monde agricole. Notre envie de reconversion commune a pris naissance en 2007, lorsque nous vivions à New-York. Confrontés à la difficulté de se nourrir sainement, nous nous sommes dirigés vers les « farmers’ markets » et les micro-fermes qui émergeaient aux Etats Unis. Après trois années en Amérique, nous sommes rentrés en France, résolus à « devenir acteurs d’un nouveau mode de vie ». Nous hésitions entre un projet professionnel et un projet d’autonomie familiale. Nous avons choisi un projet professionnel « engagé », ancré dans le territoire, socialement utile, et n’impactant pas l’environnement paysager et les marais salants de Pont d’Armes si proches.

Le projet de micro-ferme est apparu comme celui qui correspondait le mieux à nos valeurs. Il est largement décarboné, car tous les travaux se font manuellement et parce que nous séquestrons beaucoup de carbone à travers les arbres du verger et les amendements (compost, broyat). Nous produisons le plus possible, mais sur des surfaces limitées (1200 mètres carrés en maraîchage). Et, cela est important, notre production se trouve au cœur de notre réseau d’acheteurs qui peuvent venir à pied ou à bicyclette. Notre objectif de «  nourrir » cinquante familles dans les alentours est presque atteint. D’octobre à décembre, environ trente- cinq foyers fréquentent la Ferme. En été, nous avons jusqu’ à soixante-dix, quatre-vingt clients. D’où l’attente parfois, aux horaires de vente ! L’occasion d’engager des conversations entre voisins ! Les clients estivaux, ce sont essentiellement les vacanciers dans leur résidence secondaire.

Nous avons eu la chance d’être très bien accueillis par la municipalité et tout le voisinage. En venant acheter chez nous, nos voisins ont largement contribué à notre réussite. Nous avons également bénéficié des conseils avisés de Bernard Bichon pour le terrassement et bien plus, d’Alain Courtel et Laurence, de Céline et Guillaume, éleveurs à la Ferme Bio du Grand Large. Un grand merci à notre voisin Paul, pour son regard bienveillant, et son coup de main régulier et toujours sympathique.

Nous avons planté en 2023 un verger, là où il existait jadis. Avec l’aide de Stéphanie Barreaud et de ses stagiaires de l’Île jardin, de Kervolan, nous avons créé un verger avec des fruitiers greffés par une professionnelle de Redon, Elisa : pommes, poires, prunes, questsches, mirabelles, pêches, noisettes, kiwis, cassis et groseilles, abricots, etc… que nous espérons récolter dès 2025. Notre idée, c’est que le client trouve à la ferme la base de son alimentation : légumes, fruits, pain, œufs. Le pain, bio évidemment, ce sera en avril 2024, celui d’un boulanger de Mesquer. Les œufs, ce seront ceux de nos poules, quand nous aurons le temps de faire un poulailler. En attendant, nous travaillons avec les œufs bio de la presqu’ile à Piriac.

Dans un souci de cohérence, nous avons voulu intégrer notre ferme dans une continuité paysagère favorisant la biodiversité. C’est pourquoi un tiers de nos surfaces restent en zone humide et que nous gardons des friches. La création d’une mare, avec le soutien de Cap Atlantique, relève d’une volonté de ne pas rompre la trame de biodiversité, et même de l’augmenter en favorisant les corridors écologiques.

Violaine et moi avons la certitude d’être exactement au bon endroit, heureux de partager une culture liée au respect de la terre, parallèle à celle des marais salants. Nous connaissons et respectons infiniment le combat qui fut jadis mené par les paludiers pour la préservation des marais, nos terres voisines.

Un petit chemin, inondable jusqu’en 1991, le chemin de la Bôle, part du bas de notre exploitation et rejoint Quescouis, court trait d’union de ces deux milieux. Il est praticable depuis que la commune a installé des clapets anti-retour dans les marais salants, redonnant « vie » aux terres salinisées jusque là à cause des inondations.

Nos enfants ( 11, 15 et 18 ans) sont globalement contents d’être près de la nature ( et de la plage!) mais regrettent parfois la facilité que la ville leur offrait, pour rejoindre leurs amis et fonctionner en autonomie.